Lorgen hausse les sourcils.

- Je pense surtout qu'ils l'ont oublié, ne pouvant rien en tirer. Vous le connaissez donc ? Il ne m'a jamais révélé son identité, et ces objets me sont inconnus... Depuis combien de temps est-il détenu ?
Quant à traiter mes semblables de pourris, je pense que c'est la guerre qui engendre de telles pratiques. Combien d'Impériaux pourrissent dans vos prisons, Dominus ?

Bien peu figurez-vous, nous n'engorgeons pas nos prisons de détenus inutiles, nous les supprimons. Répondit-il sèchement.

Ralen empoigna l'épée et la souleva devant lui

Il s'agit des affaires de Farvyn Llethro... Un ancien Ponihn de mon ordre... un Conseiller et ami de longue date... Cela fait bien cinquante ans que nous l'avons perdu... enfin c'est ce que nous pensions...

Mon ordre avait monté une expédition dans une ruine ayléide située sur les flancs cyrodiiliens des Monts Valus, non loin de la frontière avec Morrowind. Nous avons été pris en embuscade par une importante troupe d'impériaux en déroute... des maraudeurs qui jouissaient du chaos perpétré par la guerre civile. Nous avons tous vu Farvyn se faire prendre et assassiner de sang froid... du moins était-ce nos souvenirs...

Je ne comprends pas comment ni pourquoi il a survécu...

Logren hocha gravement la tête aux propos de Ralen sur les prisonniers. Il écouta patiemment la fin de ses explications avant de reprendre.

- Il semblerait que ton ami Llethro soit vivant. Le comment et le pourquoi, je l'ignore. Je peux lui porter un message, si tu ne daignes pas le revoir.

Logren se touche le cœur du poing.

Une soudaine noirceur passa dans le regard Gaharikhan, ses lèvres se crispèrent et son ton se fit plus froid. Des lointains souvenirs de combat, des paroles sépulcrales, des pleurs et des regrets... quelques choses passa dans son esprit et ce fut une tout autre personne qui semblait lui faire face...

Ces objets ne prouvent rien... Les impériaux devaient être au courant de qui il était, il transportait sur lui suffisamment de documents pour le rattacher à l'Arador Dayn et à moi... son journal notamment...

Qui me dit que vous n'avez pas trouvé tout ça sur son cadavre momifié ? Pourquoi entamerais-je un voyage jusqu'en Cyrodiil si ce n'est pour poursuivre des chimères agitées devant mes yeux... ?

Logren hocha la tête, sans que ses traits expriment quoi que ce soit.

- Je comprends ta prudence, et elle t'honore. Aussi longtemps que nous contrôlerons Cheydinhal, le Dunmer t'y attendra. A moins que tu ne souhaites le faire rapatrier par un membre de ton armée. La Dame a vu un sauf-conduit signé de la main même d'un officier de votre Pacte. Tu pourras clairement l'identifier et lui demander de faire le nécessaire pour accompagner ton ami jusqu'ici. Mais je ne sais pas s'il sera capable d'endurer le voyage.

Logren ouvrit le document et le posa sur la table, sur les deux objets, désignant du doigt la signature de l'officier.

- Je peux lui porter ton message, ou escorter la personne qui le portera.

Cyian qui ne s'était pas départi de son sourire, trop habitué aux insultes ombrageuses du vieillard, se redressa et s'avança.

Serjo Venim, si vous jugez nécessaire qu'une personne digne de confiance se rende en Cyrodil pour prendre des risques que vous ne souhaitez pas vous-même encourir, je vous offre céans mon assistance. Je ne connais pas cette région, mais j'apprendrai vite, j'en suis persuadé.

Il me faudra toutefois en connaître davantage tant sur votre "ami" que sur le pays qui l'héberge présentement.

Le sourire toujours gravé sur les lèvres, Cyian recula d'un pas et s'inclina.

A votre service, Gaharikhan.

Maëfarayn ne releva pas la pique de Ralen, continuant d'écouter l'échange avec beaucoup d'intérêt.

Elle laissa également son frère s'exprimer avant d'intervenir.

- Votre ami a probablement besoin de soins, Ralen... Mes connaissances dans ce domaine... entre autres... pourront s'avérer très utiles... N'hésitez pas à me demander de me rendre en Cyrodiil... De plus, je suis certaine que serjo Logren Falco sera un excellent... garde du corps...

Elle avait utilisé un ton exprimant beaucoup de sérieux tout en gardant le sourire aux lèvres, un sourire qui n'avait plus rien d'une taquinerie. Lorsqu'elle termina, elle inclina légèrement la tête à l'attention de Ralen.

Ralen observa, d'abord avec circonspection, les deux Ihrfiihn se lever et brandir avec dévouement leur soutien, puis ce fut l'amusement qui finit par se lire sur son visage creusé par le chatoiement de l'âtre.

Il porta sa pipe jusqu'à ses lèvre, inspira longuement puis réfléchit un moment tout en expirant quelques nuages de fumée odorante. Lorsque les volutes grises s'évanouirent dans la pénombre de la pièce, il reprit la parole pour s'adresser d'abord aux dunmers.

Vous avez encore du chemin à parcourir, Serjo Ihrfihn, avant que je puisse vous considérer "digne de confiance"... Il acheva ce premier scud avec un large sourire aimable.

Quant à vous, ma chère, dit-il en se tournant vers Maëfarayn, vous n'êtes pas rentré depuis assez longtemps pour que je vous laisse déjà reprendre les voiles... Votre présence renouvelée au manoir est un bienfait qu'il serait malheureux d'interrompre si tôt.

Par ailleurs, à l'époque nous avons subis des assauts d'une rare dangerosité alors que la provinces était en proie à des joutes civiles éparses... Imaginez le danger que cela représente aujourd’hui, tandis que les trois alliances et les cultistes du ver s'y affrontent avec une violence rare... Je ne prendrai pas ce risque avant d'avoir une preuve indubitable.

Ralen acheva ces mots tout en se tournant vers le milicien, qu'il regarda quelques secondes dans le blanc des yeux. Après quoi il se leva, posa sa pipe sur la table basse et alla chercher un petit écritoire muni d'une plume et d'un encrier... Il se rassit et se mit à écrire.

Vous allez vous charger du risque à encourir, en valeureux messager que vous êtes. Ce mot ne devra être descellé que par Serjo Llethro et personne d'autre... Sa réponse, que vous me rapporterez, justifiera, ou non, notre déplacement jusqu'à lui.

Après avoir terminé la rédaction du dit document, il le scella du sceau de l'Arador Dayn et le tendit au milicien avant de lui adressa une dernière remarque.

Je gage que vous serez suffisamment rapide pour que la ville de Cheydinhal soit encore sous votre contrôle d'ici là...

Logren sourit.

- Je lui porterai ton message. Mais je ne sais pas si je reviendrai avec la réponse. J'ai accepté de jouer les intermédiaires par sympathie pour le vieil "homme". Je serai désormais plus utile là-bas, à défendre la ville en attendant ton bon vouloir...

Logren sourit de plus belle et saisit le message qu'il glissa dans un étui en cuir.

- Puis-je me restaurer avant de reprendre la route ?

Al'Rrhun était sortie de sa chambre en entendant tout ce bruit un étage plus bas. Elle s'était vêtu de sa robe blanche et pourpre, un châle couvrant ses épaules. Elle descendit dans le hall pour demander aux serviteurs ce qu'il se tramait plus bas.

Alors, elle se dirigea vers la réunion afin de jeter un œil. Elle fut très surprise en voyant cet homme. Elle s'approcha doucement, sans faire trop de bruit pour ne pas déranger.

Ju'rohn, Sera et Serjoo. J'espère que je ne vous dérange pas.

Elle inclina sa tête en direction du Gaharikhan, le sourire aux lèvres. Puis elle la releva et toisa l'inconnu, le regardant de bas en haut.

Oh ! Es-ce un nouveau serviteur ? Cela va nous changer des écailleux...

Elle remarqua que le Gaharikhan avait un air grave. Elle enleva son sourire enjoué pour laisser place à un air interrogatif.