Réflexions de Sieran Venim
~ l'Esclavage ~
Lors de la dernière réunion du Conseil Redoran, le Haut Ordonnateur Gil'ran, personnage éloquent des lointaines sphères de la capitale et mal habitué au franc parlé des cendres, s'est embourbé dans un vif et interminable débat avec le Prédicateur Halleru, ardent défenseur des idées encore mal appréciées de notre grande maison. La scène fut inoubliable tant le problème soulevé était épineux, et du haut de son piédestal doré, bâti des bonnes intentions de l'Inquisition, le représentant du Tribunat peinait à tenir intacte sa crédibilité devant l’ambiguïté même de son rôle. Une scène rare, pour ne pas dire inquiétante, en ces temps de ferveur renouvelée pour le Temple et les Trois.
La question était la suivante : l'esclavage et la traite des n'waah est-elle obligatoire en tout lieu du royaume resdayni ? Elle fut soulevé lorsqu'on vint à constater que, dans les territoires redoraan, le statut des esclaves et plus particulièrement des argoniens, avait grandement évolué au cours des dernières années, et que cela dût probablement s'être fait assez naturellement pour qu'on ne s'en insurge pas plus que de raison.
Les textes officiels du Tribunat présentent hélas de nombreuses lacunes encore aujourd'hui et il n'est semble-t-il mentionné nul part comment s'organise l'esclavage en Resdayn. A cela rien d'étonnant, le Conseil et l'Ordonnateur Gil'ran étaient d'ailleurs d'accord pour convenir que la pratique était plus culturelle que législative et qu'il n'avait jamais été précisé clairement les modalités selon lesquelles il fallait gérer ses esclaves. Aux idéaux d'unité et d'uniformité, prôné par l'Ordonnateur, s'opposait très nettement la réalité des faits, avancé par le Prédicateur, rappelant que chacune des grandes maisons pratique l'esclavage avec ses spécificités propres. Telvannii et Drès en font littéralement leur fond de commerce et traitent aussi bien les khajiits que les altmers, tandis que les Redoraan et les Hlaaluu sont plus progressistes dans leurs pratiques. Il fut d'ailleurs très désagréable pour le Conseil d'entendre les plaintes outragées de l'Ordonnateur envers les Redoraan alors que des esclaves émancipés et jouissant de responsabilités parcourent depuis des années les rues des cités hlaalu, sans que le Tribunat s'en eut ému plus tôt.
Les Redoraan justement, auxquels le Temple reproche souvent un trop grand laxisme envers les n'waah et une volonté renouvelée d'émancipation de ses esclaves, étaient ce jour-là majoritairement présents et l'Ordonnateur Gil'ran eut bien du mal à démonter leurs arguments. Il semblait notamment nécessaire de réaffirmer avec force la notion de propriété qui échoit à n'importe quel bien acheté ou d'appartenance familiale, et qui s'applique donc sans dérogation aux esclaves. Libre, alors, au propriétaire de faire ce que bon lui semble de ceux qui le servent, ses décisions s'appliquant dans les limites des territoires redoraan, et le Tribunat ne devrait avoir aucune forme d'autorité sur ces questions.
Entendons-nous bien, la Grande Maison Redoran ne remet pas en cause son grand respect envers les valeurs du Temple et du Tribunat, leur lien ténu et nos hauts faits militaires du passé le prouve sans difficulté, mais elle n'apprécie guère qu'on lui dicte comment être la Maison Redoran. Que ce soit ici, dans les terres cendreuses ou sur le continent, à Sombrejour, les pratiques de notre maison sont dictées par son histoire la plus ancienne et la plus enracinée, et sont mues par l'évolution de nos traditions. Les Redoraan ne dictent pas aux autres maisons comment elles doivent être, aussi s'attendent-ils à la même liberté, et ils leur semble bon de cultiver raisonnablement cette hétérogénéité.
Sieran Venim