L’expédition qui au début les avait tant excités n'avait au final rien d'excitant. Évidemment, quand ils retourneraient dans leurs terres, loin là-bas à Vvardenfell, ils prétendraient le contraire et imagination aidant ils parviendraient à vendre un rêve qui jamais ne se réalisa mais que beaucoup partageraient.
Tous les six sont originaires de Seydãrã en Terre des Cendres et jusqu'à présent, ils ne voyagèrent jamais plus loin que les frontières cendrées du Nord Uvaris. Aussi quand leur fut offerte l'occasion de traverser la Mer Intermédiaire pour gagner le continent occidental, ils ne cachèrent pas leur joie. Ils sont jeunes.
Les premiers longs jusqu'à la lointaine Vivec se déroulèrent sans encombre. Et sans plaisir aucun. Car le jeune Ihrfihn, leur Prince, était à leurs côtés. Ils avaient sensiblement le même âge et ils avaient vécu leur enfance, à maints égards douloureuse, dans sa traîne. Lui ne s'en souvenait pas. Eux, si.
A Vivec, ils connurent la courte satisfaction d'une séparation rapide. Leur bourreau de jeunesse s'éclipsa et ils prirent sans lui un navire pour Coeurébène.
La traversée fut cahoteuse et inconfortable, leur arrivée au port assez piteuse. Surtout la vie si loin de leur terre natale leur déplut aussitôt ; ce n'était point l'absence de confort qui heurtait ses descendants lointains de cendrais que la foule cosmopolite et populeuse qu'ils durent affronter. Argoniens et khajits libres déambulaient sans chaîne aucune ; ils envahissaient l'espace que ces géants nordes laissaient inoccupé. Mêmes les dunmers locaux avec leurs accents et leurs tenues variés leur semblaient étrangers. Ils s'étaient jurés à mots couverts de se fondre au plus vite dans les tripots les plus sulfureux de la ville et n'en firent rien. Au plus près des écuries, ils campèrent, silencieux et austères et l'on put aisément les prendre, pour peu qu'on leur prêta attention, à quelques amaisonnais farouches un brin débiles.
Quand Maître Kaldi leur annonça qu'ils gagneraient au plus vite les hauteurs sauvages des Éboulis, ils soupirèrent de soulagement. Dans leur esprit la "campagne" serait plus tolérable que cette cité trop vaste et trop vivante à leur goût. Et de fait les paysages qu'ils arpentèrent bientôt leur rappelèrent agréablement la terre qui à l'est les avait vus naître.
Ils voyagèrent sans peine et s'installèrent à quelques longs du domaine non loin d'un emplacement inoccupé de cendrais. Maître Kaldi se chargea de marquer les lieux de symboles amicaux. Car les Cendrais aussi nomades soient-ils aiment être instruits des qualités et et des intentions de leurs voisins, fussent-ils temporaires.
Par trois fois, ils montèrent au domaine. Ils accompagnèrent leur vieux Maître qui toujours à distance raisonnable leur sommait de baisser arme et étendards. Ils l'observaient humer l'air et grommeler d'étranges et sourdes incantations. Par deux fois, ceci fait, ils regagnaient silencieusement leur camps.
Aujourd'hui, c'est la troisième et dernière montée au domaine. Maître Kaldi se tient droit devant la porte. Il a humé l’air et grommelé, mais il ne semble pas disposé à rebrousser chemin.
Il fixe la porte sans mot dire. Il la fixe comme si d'un simple regard il espérait l'abattre. Il la fixe méchamment. Finalement il se tourne vers les six jeunes dunmers et leur somme d'une voix à nulle autre égale de sonner le cor des Ihrfihn. Ils s’exécutent et dans le silence apaisant des hautes terres résonnent stridentes les hautes voix éraillées de cuivres anciens.
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