Tout d'abord curieux d'entendre une vive animation sur le perron, l'humeur de Ralen passa très rapidement de l'agacement à la colère lorsque d'incessants persiflages jel montèrent jusqu'à sa fenêtre. Sa chambre se trouvait juste au dessus de l'entrée et sa fenêtre donnait sur les escaliers qui y menaient.

Il ne lui fallut pas longtemps pour distinguer la voix de Tunjaar et le ton mielleux qu'il employait sans modération pour amadouer les apatrides de sa race. Ce fut une autre voix, plus basse et moins tendre, qui transportait ces insupportables échos de jel jusque dans son bureau, et qui le détacha définitivement de son travail.

Il s'avança à sa fenêtre et observa un moment la discussion argonienne en contrebas, remarquant très tôt l'ire de son intendant qui tentait avec force gestes de ramener les deux visiteurs à la raison. Finalement, et il fallait s'en douter, cette situation finit par l'irriter au plus haut point...

Il ouvrit le loquet de sa fenêtre, tira les deux battants lentement et se pencha sur le rebords pour s'adresser à la troupe d'en bas.

ON NE PARLE PAS LE JEL ICI ! Si vous avez perdu toutes vos bonnes manières dans la fange de votre marais, n'waah, je vous conseille d'y retourner sans tarder !

Il détailla l'argonien qui jouait fièrement avec sa petite flamme bleue et lui parla avec une grande ironie. ... Et bien Tunjaar ! Pour un retour, quel panache ! Pointant son regard sur Maître Krsh, il conclut aussi sèchement.

Laissez ces énergumènes dehors, mon ami, ils ne sont visiblement pas prêts à pénétrer dans un manoir dunmer... Du balais !

Sur ces mots, il disparut dans un claquement de fenêtre.

La surprise fut grande lorsque le Seigneur des lieux apparut à la fenêtre de l'étage et Maître Krsh sentit les vibrations sous chacune de ses écailles. Les propos de son vénérable ami étaient alors en toute défaveur pour les deux argoniens. Au claquement de la vitre, l'Intendant baissa les yeux et ajourna la rencontre dans la langue commune :

- Ce n'est pas un bon jour pour vous, semble-t-il. Vous n'obtiendrez rien de cette maison, Krsh le craint. Puisse ta malédiction disparaître et tes écailles reprendre de leur couleur, cher Tunjaar.

Avec un profond émoi, Krsh s'inclina et s'assurant que Cyian Ihrfihn n'y voyait aucune objection, ferma la porte devant les deux visiteurs.

Cyian était pétrifié par la réaction des Ygwàns. Il ignorait durant leurs échanges sifflants s'il devait s'offusquer de cette inédite prise de liberté ou tenir comme acquise l’ignominieuse licence dont cette race était capable. Surtout, il admira l'énergie déployée par le vieil argonien pour inculquer - devinait-il - quelque décence à ces deux visiteurs.

Comme de coutume la "douce" voix de Maître Venim, modulée depuis le berceau pour couvrir les battements de tambours rédorans, mit un terme à cet instant récréatif.

Jugeant judicieuse l'initiative de Maître Krsh, Cyian laissa les pans se refermer derrière lui de sorte qu'il se trouva dos aux portes, en présence des Ygwàns.

Décidément, Maître Tunjaar, on n'en fait pas deux comme vous ! Le regard glissant vers Ixtaxh-Ei : Du moins, je l'espère. S'adressant de nouveau au vampire :

Je dois me rendre au village, ce matin. Auriez-vous la bonté de m'accompagner ? Nous aurons ainsi l'opportunité de deviser sereinement de la raison de votre venue... et de ressusciter ces bons moments que nous passions jadis entre ces murs devenus... inhospitaliers.

Le jeune Telvanni arborait un large sourire. Ses yeux luisaient intensément.

Le Saxhleel haussa le regard en direction de la voix vociférante. Plissant les yeux, il resta quelques instants le regard ainsi en l'air tout en gardant le silence.
C'est seulement lorsque l'Intendant de la maison referma les portes qu'il lâcha un persiflant murmure, enfonçant un peu plus sa tête de reptile sous sa longue capuche. Il n'était pas bien difficile d'y reconnaître une pointe de rancœur et de colère dans cette voix trainante et éraillée.

-Xhuth...ssssss...C'était vraiment une mauvaisssse idée Tunjaar, une très mauvaise...idée.

Alors qu'il s'apprêtait à tourner les pattes pour quitter le domaine, c'est avec étonnement qu'il remarqua que le Dunmer n'était guère rentré avec l'intendant. Il l'écouta parler et soutenu un court instant son regard luisant, lorsque celui-ci glissa sur lui, ses yeux d'argonien émeraudes dénuées alors de toute expression. Puis croisa celui de son compagnon, le fait qu'il cherche ainsi son approbation fit germer dans son esprit la graine du doute. "Se pourrait-il qu'il hésite?", "Préfère t'il y aller seul?" Bien des questions car il se savait peu enclin à voiler ses propos de politesses auprès de ceux qu'il considérait comme des bourreaux, bien trop malhabile dans ses jeux de langage brodés de poison.

Conscient de sa principale faiblesse, il se mura une nouvelle fois dans le silence et acquiesça alors lentement, très lentement, comme si lui-même n'était pas sur de sa propre réponse avant de demander d'une voix toujours aussi basse et éraillée:

-Peut être Tunjaar préfère t'il y aller sssseul?

Sans même écouter les mots Tunjaar compris, par le ton de son compagnon qu'il n'en supporterait pas plus ... il lui dit en Jel d'un voix douce.

-[Jel] Désolé, je n'aurait jamais dû t’amener ici ...

Il se retourna vers Cyian et lui répondis poliment :

-Navré, mais nous allons y aller ... Ixtaxh n'est pas à l'aise ici et ... au vu de ce que j'ai pu voir, cette maison n'est plus celle que j'ai joins autrefois ...

Soupirant, il fait demi-tours, et arpenta le chemins vers la sortie du domaine, les poings et la mâchoire serrés, ... ainsi, il ne se soignera pas ... ainsi, on lui refusait la purification ...

à la sortie du domaine, il ne pu se retenir, et immola de flamme givrées le premier arbre (de taille moyenne, 3-4 mètres de haut tout au plus) qu'il vit. le brisant, n'en laissant qu'un tas de bois brisé comme du verre.

A quelques dizaines de pas de l'arbre abattu, une ombre bouge sous un champignon géant. Un peu d'attention fait deviner une autre silhouette de l'autre côté du chemin. Une attention très soutenue aurait détecté une troisième ombre, incontestablement féminine et couronnée de cheveux argentés, derrière les deux argoniens.
La première ombre s'avance un peu et Thalen prend la parole.

- Il fut un temps où dégrader les arbres du Domaine valaient châtiment corporel, serjo Tunjaar. Eût égard à votre passé ici, Je n'ajouterai aucune peine à celle que vous souffrez. Mais soyez sage sur le reste du chemin."

Maintenant visible, il apparaît clairement armé de son arc préféré, bandé, flèche encochée. Cependant, sa main droite ne tient pas la corde et tripote sa barbiche. La pointe de la flèche est une spéciale anti-écailles et son faible miroitement fait soupçonner un enchantement des plus désagréables. La deuxième silhouette, dans laquelle on reconnaît Galen le garde-chasse, est semblablement armée. La troisième reste dans l'ombre.

- Bonne route, serjo Tunjaar..."

Sur un geste de sa part, les trois dunmers se fondent dans les ombres et disparaissent.

Le lézard fut tout d'abord surpris par la réaction de Tunjaar et n'ajouta rien à ses propos car il savait, de un, qu'il ne trouverait pas les mots pour sauvegarder un quelconque espoir ,et de deux, car dans son extrême pudeur il ne saurait se dévoiler ainsi face au Dunmer encore sur le pas de la porte. Mais sa grande empathie, et la voix remplie d'amertume et de désillusion de Tunjaar lui hérissèrent les écailles. Tout juste si l'argonien accorda un dernier regard au Dunmer dans lequel pour une fois brillait un faible éclat de honte car il se sentait coupable d'avoir ainsi peut être briser les chances de guérison de son compagnon à cause de sa nature bien trop spontanée et rancunière.
Mais dans un sens peut être était-ce mieux ainsi...

C'est seulement lorsque Tunjaar se déchaina sur l'arbre du domaine que celui-ci comprit à quel point son ami s'était contenu jusque là, à quel point il avait plié le dos pour éspèrer de l'aide. Une colère mauvaise lui monta alors au cœur quand il pensa à la manière dont l'argonien s'était plié face à eux et il se promit de tout faire pour que plus jamais Tunjaar n'est à souffrir de ce genre de suffisance quitte à l'éloigner définitivement de ce domaine et de tout Dunmer.

-Ne t'en fais pas Tunjaar, avec ou sans eux, nous trouverons un moyen de te sauver...Je t'en fais la promesse...Dit il à voix basse, n'arrivant à cacher sa culpabilité certaine.

Alors qu'il marchait silencieusement, il remarqua le Dunmer, par instinct il serra un peu plus son bâton dans sa main gracile et le garda le temps de descendre la longue allée.

Cyian ne se départit pas de son sourire ; le refus de son ancien disciple était prévisible, il s'en doutait. Jamais Ihrfihn ne connut d'adepte plus timoré, ni surtout... plus "humain".

Observant les deux silhouettes reptiliennes s'éloigner, il ne put réfréner une courte ode à Méphala qui percèrent ses lèvres dans un murmure. Puis pour lui-même, il remarqua :

Les soies autour de vous sont tissées denses, Maître Tunjaar. Le Bel'Areigne seul-sait qui des pieds ou de la tête soutiendra votre corps.

Puis, étrangement guilleret à une heure si matinale, il emprunta le chemin qui, sinueux, le mènerait au village, où de sombres desseins l'appelaient.