Hmmm... patientez ici un instant.
Sur ce il referma le judas et laissa en plan le khajiit pendant une longue demi-heure. Quand le judas se rouvrit, la main de Ralen y glissa une autre lettre, fraîchement cachetée.Tenez, apportez ça à votre maître... enfin, celui qui vous envoie... L'expéditeur en somme ! Bonne route !
Le judas se referma violemment et plus aucun bruit ne provint de derrière la porte.
Citer :
Mon cher ami, Felen,
Quelle joie immense m'aurait habitée à l'idée de te lire, après toutes ces années de silence épistolaire, je fantasmais ardemment d'allégresse teintée de douce nostalgie en pensant parcourir tes mots toujours élégamment posés sur le papier ! Rares sont les plaisirs aussi intenses que la lecture fébrile d'une lettre Ihrfihn tant et tant attendue.
Hélas, bien que la prose fut une fois encore épatante et splendide, il n'en fut rien cette fois-ci, tant les propos sont alarmants autant que désolants. On colporte bien des rumeurs en Morrowind, de tout temps et en de nombreux lieux, bien que les Hllalu et les Drès en soient experts. Mais aujourd'hui je constate avec effroi que le Grand Est Telvanni, autrefois stoïque et indépendant, a sombré à son tour dans la peur et l'inquiétude que provoque l'excès de crédit accordé aux racontars. J'ose espérer qu'en ultime rempart à l'ignorance et à la barbarie, vous n'accordez, pour l'heure, aucune ligne de vos grimoires à ces "on-dit" !
Il y a du vrai dans tes paroles, mon cher Felen, mais il manque de la substance à cette vérité, comme si l'on lisait la prodigieuse Trahison Hypothétique, la pièce d'Anthil Morvis, sans les didascalies ! Le temps n'est plus aux fanfaronnades intellectuelles et aux joutes verbales sans fondements solides. La Maison Venim perdure depuis presque un millénaire et n'a jamais dévié de sa quête. Quant à moi, je suis tel à mes illustres aïeux, ardent défenseur d'un savoir des temps anciens, bafoué jour après jour. Mes convictions et mes croyances sont restées saines et entières, pareilles au jour de notre rencontre. Cela, je te demande, ami, de ne plus jamais en douter !
En effet, j'ai beau jeu de te rétorquer que ces âges sont révolus, et que les temps ont changé, mais c'est pourtant bel et bien un fait. Morrowind ne sera plus jamais la contrée de notre jeunesse et les rêveurs utopiques qui espèrent encore la renaissance de l'antique et ô combien merveilleux Royaume de Resdaynia sont dans le déni total de la destinée d'Azura. Le vampire que j'héberge actuellement en ma demeure, et qui sert dévotement les desseins d'Arador Dayn, n'a rien de comparable avec les vampires décérébrés du Mont Écarlate, que les mages de Port Telvanni ne connaissent que trop bien. Ce sont deux espèces totalement différentes et les malédictions qui les habitent respectivement sont sans commune mesure.
Si mes vénérables et respectés ancêtres étaient encore en mundus aujourd'hui, ils sauraient voir la différence et sauraient habilement tirer partie d'un allié aussi puissant.
En outre, en bon ami que je suis, je me dois de t'informer des activités de tes enfants car je crains, et tu les connais fort bien, qu'ils ne te révèlent pas tout dans leur rares et ingrates petites lettres griffonnées entre deux niaiseries d'amants. Certes, je n'ai franchement rien à dire sur ta chère fille, qui continue de progresser dans ses arts avec une assiduité qui te ferait pâlir de fierté. Là où le bât blesse cruellement, c'est avec ton fils Cyian... Sheogorath me défie chaque jour de supporter son insolence et ses abjectes machinations de comploteur.
Dans ma grande bonté et ma tolérance sans bornes, je lui ai fait récemment l'immense honneur d'être le mentor d'un de nos initiés, dans l'intime espoir qu'un plus grand engagement au sein d'Arador Dayn le détournerait de ses folles ambitions... Que je fut sot de croire en de vaines tentatives ! Après avoir dédaigneusement endossé sa nouvelle responsabilité, Cyian a envoyé son jeune initié en de si dangereuses missions que ce dernier en est revenu blafard et en pleine incubation de la Sanguinare Vampiris !
Peut-être réalises-tu à présent à quel point la Maison Venim s'efforce de maintenir un cap que certains s'enhardissent à dévier. Afin de restaurer la confiance et la bonne entente, ainsi que le sens des responsabilités pour ton fils en dérive, je te demande donc un service en retour.
Je te prie de faire entendre raison à ton très cher Cyian en lui intimant, par écrit, l'ordre de sceller le sort de son disciple vampire et ainsi ramener le calme et la sérénité dans notre maison. Par le pieu, le bûcher, l'exil ou l'extraction, il est temps qu'il mette fin au danger qu'il a laissé inconsciemment courir dans l'Arador Dayn, et la remise à l'ordre de l'autorité paternelle n'en sera que plus salvatrice. A la réception de ta réponse, et à la condition, bien sûr, que nos avis convergent, je considérerai alors ce J'zokar comme serviteur de la maison Venim.
Dans ta grande sagesse, qui a toujours concurrencé celle de ma famille, j'ose croire que tu comprendras mes motivations et ma demande, et que tes inquiétudes seront alors en bonne partie dissipées.
Je t'adresse enfin mes plus amicales et sincères salutations.
Qu'Azura te garde.
Ralen.