M'époussetant discrètement avant de m'asseoir pour ne pas salir le siège que me proposait Ralen, je remettais les évènements en ordre dans ma tête...
En effet il faudra que tu me racontes la raison qui t'a poussé à quitter la demeure d'Ald'Ruhn pour venir installer le siège de la confrérie dans la demeure qui nous a vu grandir, beaucoup plus petite. A moins que tu n'aies consigné cela par écrit ? Je crois me souvenir que tu avais commencé à écrire tes mémoires la dernière fois que je t'ai rendu visite...
Bien, commençons par le début. Comme tu le sais, après avoir rejoint les rangs de la garde pendant quelques années pour me former aux arts de la guerre, j'étais devenu chercheur. Mon but était de trouver des sources de puissance pour notre peuple, mais j'étais tombé dans le piège de l'attrait du pouvoir et de l'avidité... J'ai voulu posséder moi même un grand pouvoir. Mes recherches m'ont alors conduit à vouloir posséder l'Oghma Infinium, un puissant artefact créé par Hermaeus Mora...
C'était ces recherches qui m'avaient amené à revenir te voir il y a trente cinq ans, pour farfouiller dans les ouvrages, afin de retrouver des traces de son existence et de sa localisation. Cela fut très concluant, je retrouvais des traces de son existence datant de moins d'un centenaire, en Cyrodiil.
Je m'arrêtais un instant pour boire une lampée de greef tout juste posé devant moi. La suite de l'histoire était moins facile à raconter.
Même avec tous les renseignements dénichés dans la bibliothèque, il me fallut trois ans dans les coins les plus reculés et inaccessibles de Cyrodiil, au fin fond des montagnes de Velothi, à la frontière avec les terres de Bordeciel, pour "trouver" ce que je cherchais.
Mais à vouloir maitriser des puissances qui nous dépassent, on s'attire les pires ennuis. A peine avais-je touché l'ouvrage que je me retrouvais aspiré en Oblivion. Aujourd'hui je sais que l'endroit où je me suis retrouvé était l'Apocrypha, la bibliothèque, si je puis dire, d'Hermaeus Mora.
Je ne saurais dire combien de temps j'ai été coincé là-bas, le temps semblait s'écouler au ralenti, chaque minute durant des heures. J'ai erré à travers les rayonnages immenses, jusqu'à ce que la curiosité me pousse à prendre quelques livres et à les ouvrir. Terrible idée, les écrits étaient en daedrique, mais le contenu était si terrible que je préfère ne pas avoir à m'en souvenir. Peu à peu, mon esprit se perdit dans le labyrinthe monstrueux des lieux. J'y ai vu des créatures innommables, me forçant dans de désespérés réflexes de survie à me cacher dans les recoins les plus sombres de la bibliothèque, terrifié et de plus en plus fou.
Je n'ai aucun souvenir de la façon dont je me suis échappé. Peut-être le maitre des lieux en avait-il tout simplement assez de jouer avec moi et m'avait renvoyé en Tamriel. Toujours est-il que lorsque je reprenais conscience, je n'étais plus moi même...
J'étais réapparu à un autre endroit de notre monde que celui d'où j'avais disparu, bien qu'il s'agisse toujours de montagnes, aussi j'errais au hasard jusqu'à trouver un petit village, de toute évidence nordique. Bien que méfiants, les villageois me renseignèrent sur ma localisation et j'arrivais même à obtenir de l'un d'entre eux qu'il me guide jusqu'à une route où je pourrais entamer le voyage de retour...
C'est durant ce court voyage que ma volonté flancha, la folie prenant le dessus, je tuais sauvagement mon guide, le réduisant en un amas de chair. Devant l'horreur du massacre, ma raison reprit le dessus et je m’enfuis, horrifié.
Il n'était plus question de rentrer, j'étais devenu un danger pour mon peuple et mes amis. Me souvenant des nombreux ouvrages sur la survie et les terres du nord, j'appris à vivre à la sauvage. Je me fabriquais un abris de fortune proche d'une grotte, à l’abri des regards indiscrets, et démarrais une longue période de méditation dans le but de vaincre ma folie et de retrouver ma sérénité.
Je vécut ainsi totalement seul une vingtaine d'années, survivant comme je pouvais, grâce à la chasse et à la cueillette.
Un jour, alors que je chassais, je rencontrais un vieil homme gravement blessé. Il avait été attaqué par une horde de loups sauvages. J'étais surpris de voir que, bien que blessé, il était parvenu à leur tenir tête en dépit de son grand âge, en en tuant plusieurs avant que les autres ne fuient.
Je le ramenais chez moi et lui apportais les premiers soins. Il fut très surpris de voir un Dunmer si loin de ses terres lorsqu'il revint à lui. Cependant, afin de me remercier et de passer le temps pendant sa convalescence, il m'apprit la base de l'art des chevaliers Dragons. Ainsi, j'avais d'une certaine manière réparé mon acte en sauvant une vie, et obtenu une puissance certes moindre, mais bien plus à ma portée, et gratifiante, que tout ce qu'aurait pu m'apporter l'Oghma Infinium...
Le vieil homme resta un an à m'aider, à m'enseigner son art, mais il était vieux et fatigué ; il mourut tranquillement dans son sommeil.
J'ai passé les dix années suivantes à perfectionner les techniques que m'a enseigné ce vieux nordique, trouvant dans l'exercice un nouveau sens à ma vie.
J'ai également profité de cette période pour voyager à travers les montagnes de Bordeciel, rassemblant quelques écrits et légendes appartenant au folklore nordiques ; je compte les ajouter à ta bibliothèque, c'est bien là la moindre des choses.
C'est au cours d'une de mes pérégrinations que je rencontrais Kar'Azim. Il était attaqué par un ours imposant et semblait en bien mauvaise posture. Je l'aidais à vaincre la bête, et apprenais une nouvelle leçon en baissant ma garde trop tôt, pensant l'ours déjà mort, je n'y prêtais plus attention, quand celui-ci, dans un dernier soubresaut, me blessa à la jambe. Rien de bien grave, mais une erreur qui me prouva que l'on ne finit jamais d'apprendre.
Je guidais Kar'Azim à travers les bois où il s'était perdu, faisant connaissance avec lui. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'il était à ton service ! Il m'expliqua la situation actuelle du monde et les alliances qui se créaient entre les peuples. Je décidais alors que ma place était de nouveau auprès de mon peuple, guéri de ma folie et désormais apte à défendre ceux qui me sont chers... Aussi, après avoir amené Kar'Azim à bon port, je laissais le temps à ma blessure de guérir avant de prendre la route du retour. Et me voilà, tout juste arrivé.
Je me taisais, buvant d'un trait le reste de mon verre. Ralen était resté impassible, comme à son habitude, mais je sentais qu'il avait des questions, il avait toujours été porté sur le détail et mon récit était assez général... Un sentiment de lassitude m'envahit tandis que la fatigue du voyage se rappelait à mon bon souvenir.
_________________ Ceux qui errent ne sont pas toujours perdus.
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