Je suis Aldramm S’thathil, citoyenne libre de Longsanglot et prêtresse prosélyte de la Très Sainte Mère Almalexia du Temple du Tribunal. Mon nom signifie « le lien » ou « la connexion » dans une lointaine et incertaine étymologie chimer. Je suis née le 8 Clairciel 2E467, j’ai donc 118 ans, mais ça n’a de toute façon plus beaucoup d’importance maintenant. J’ai grandi à Longsanglot avec mes parents, servants-esclaves du Temple, et j’y ai passé une enfance relativement heureuse. Je participais de façon active à la vie religieuse du Temple et j’ai vite attiré l’attention de la Très Sainte Mère Almalexia par ma ferveur. Lorsque je fut affranchie pour bons et loyaux services, la Très Sainte Mère me nomma dans son corps de garde personnel. J’y ai occupé le poste de Guérisseuse-Mystique pendant vingt ans, avant d’être promue à la coordination de la garde rapprochée de notre Déesse Bien-Aimée.
Le 7 Hautzénith 2E581 marquait le lancement de la Semaine du Grand Maudissement, pendant laquelle les Dunmer réaffirment leur haine vis à vis des traitres qui ont jalonné leur histoire. C’est une fête traditionnellement joyeuse, mais cette année fut différente. Le drame s’est produit peu avant 15h, le jour de l’ouverture. Le soleil était encore haut dans le ciel et me brûlait la nuque, sous la lourde capuche de toile de l’habit rituel. Nous attendions le retour de la procession des Tribuns sur le parvis du Temple du Tribunal de Longsanglot avec mes collègues de la garde d’élite. Je sentais une certaine tension dans l’air, mais je l’ai attribuée sur le moment à la lassitude et à la fatigue accumulées par tous. Le cortège n’était plus qu’à quelques mètres, et j’étais soulagée que ce dangereux périple se termine enfin. Ma subalterne Liiril se tenait à mes côtés, droite et tendue. Ses cheveux mats aux reflets ardents, rabattus en tresse comme c’est la coutume lors des processions religieuses, étaient la seule partie chaleureuse de son visage. Liiril a toujours eu ce visage dur et viril, c’est d’ailleurs grâce à lui qu’elle a pu monter aussi haut dans la hiérarchie de la garde. Ce n’est clairement pas sur le critère de la ferveur que je l’ai promue. J’ai toujours su qu’elle ne s’impliquait pas réellement, comme si tout ce que nous faisions pendant les rituels lui paraissait inutile et ridicule. Mais malgré cela je dirais qu’elle a le don de « flanquer les miquettes », ce qui disons-le, est la principale qualité d’un garde. Mon regard coupa le sien brièvement quand tout à coup son oeil vif et alerte se fixa sur un point précis, et je vis une stupeur mêlée d’effroi déformer son visage d’ébène. Un nuage magique d’un noir extrêmement profond se dessinait à quelques centimètres de la Très Sainte Mère Almalexia, concentrée sur les suppliques de guérison des badauds venus en masse pour l ‘événement. Alors que sans réfléchir je me précipitais pour protéger la vie de la Déesse Bien-Aimée, je vis la forme noire se muer en un bras démoniaque, au bout duquel étincelait une lame daedrique, visiblement empoisonnée. Je bondis sur ma Bien-Aimée Déesse, et la lame se ficha sans aucune résistance entre mes omoplates et stoppa mon élan instantanément. A mesure que le venin daedrique se répandait dans mon organisme, mes jambes se firent vacillantes, ma vision se troubla, et la toute dernière image avant la chute fut le visage bienveillant et miséricordieux de la Très Sainte Mère Almalexia. Elle vivra. J’ai parachevé ma vocation. C’est tout ce qui importe.
« L’instant d’après, j’étais dans l’Autre-Vie. Un état permanent d’exaltation totale dans le plan divin, immatériel et intemporel des Tribuns. Je ne saurais dire combien de temps j’y suis restée. Honnêtement, j’ai eu l’impression de passer des millions de vies dans cette trame sans fin. Comme si le temps, accélérant à un rythme exponentiel, avait fini par s’effondrer sur lui-même et ne plus rien signifier. C’est un endroit d’une sérénité absolue. »-extrait de Psijilistique : Mystique modiale & athrendique, édition Kwama Grivois, 2E582
De ce qui a été relaté par la suite, Liiril a attrapé le bras déicide et l’a tiré de toutes ses forces hors de son portail. La sinistre créature fut enfermée et torturée pendant des mois, mais ne parla jamais. Elle mourut de la main de la dure Liiril, de la façon la plus pitoyable qui soit, émettant de ridicules gargouillis entre deux sanglots de supplication. Telle est la juste punition de ceux qui font la guerre à ALMSIVI. Cependant, tout dans sa morphologie et son comportement laissait penser à un serviteur d’Azura. Quel autre faux dieu daedrique pourrait vouloir attenter à la divinité des Tribuns? Surtout en cette date si lourde de signification.
Mon cadavre, horriblement nécrosé par le poison démoniaque, fut emmené dans le sanctuaire du Temple du Tribunal de Longsanglot, où le potentiel de pouvoir divin des Tribuns atteint son paroxysme. Des dizaines de prêtresses se sont relayées pour configurer mystiquement et psijiquement la pièce au rituel de réessentialisation. L’énergie à accumuler était absolument considérable. D’aucuns se plaisent à raconter que certaines prêtresses ont vu leur chevelure blanchir totalement en quelques heures, mais ça, je ne peux plus le vérifier. La Très Sainte Mère Almalexia, aidée de l’Infiniment Respectable Vivec et du Maître des Engrenages Sotha Sil entama le rituel au bout du quatrième jour et de la quatrième heure, à partir d’un fragment de sa propre essence divine. Le rituel ébranla jusqu’aux fondations du Temple, et la secousse fut ressentie jusqu’à la ferme d’Hrogar, accompagnée d’un formidable éclat lumineux. Une scène digne de la fin du monde que promettait Molag Bal.
Mais ce fut un succès.
Enfin, presque. Le rituel altéra mon apparence physique définitivement. La puissance de sa volonté divine modifia subtilement mon essence vitale, en y mêlant une infime quantité d’énergie psijique brute. J’ignore encore en quelles proportions cela a altéré ma nature, mais j’observe depuis, à de rares occasions, comme des rémanences d’une autre trame, d’un autre temps. Ces apparitions fantasmatiques s’évanouissent telles qu’elles sont survenues, mais je suis persuadée qu’elles n’apparaissent jamais au hasard. Mon but est désormais de comprendre pourquoi et comment.
La Déesse Bien-Aimée me fit intégrer l’O.S.P.A. - l’Ordre des Soigneurs Prosélytes d’Almalexia - une agence d’intelligence et de renseignements Almsivii ultra-secrète, qui regroupe les Dunmers ayant reçu le même don de la part de la Très Sainte Mère Almalexia. En effet, tous les éléments de ce corps d’élite sont des vétérans tombés dans l’honneur au champ de bataille, dont les cadavres ont ensuite été réessentialisés par la Très Sainte Mère Almalexia. Un agent fraîchement réanimé passe généralement quelques mois au QG de l’O.S.P.A, le temps d’être formé à ses nouvelles capacités par les prêtresses. Pour ma part j’y suis restée 5 mois, le temps d’écrire Psijilistique : Mystique modiale & athrendique. Ca a été libérateur et je pense en écrire la suite prochainement. Si ce genre de bouquin aide les gens à affronter leur vie quotidienne, c’est formidable. Quoiqu’il en soit, l’agent ainsi formé est ensuite envoyé, seul et sans possibilité de retour, dans une diaspora dunmer de Tamriel, comme un cadeau de la Très Sainte Mère Almalexia à sa communauté, où il assure la défense et les soins de la population de façon bénévole. Un but moins avouable de cette opération est de renforcer l’influence du Tribunal dans des régions qui tendent à s’en éloigner, mais il serait difficile de reprocher aux Tribuns de vouloir assurer leur propre pérennité.
« Quand la lumière et la douceur de la Très Sainte Mère Almalexia guide nos pas,
Quand la science et le mystère du Lieur d’Oblivion Sotha Sil aiguise nos esprits,
Quand la force et l’éloquence de l’Infiniment Respectable Vivec assure nos bras,
Alors toute Gloire et tout Honneur reviennent à jamais et pour toujours à ALMSIVI »
Aldramm S’thathil, Ancienne Haute
Coordinatrice de la Garde Rapprochée de
la Très Sainte Mère Almalexia,
en clôture de son discours
de prise de fonctions à l’O.S.P.A.
17 Soirétoile 2E581
Après de longues années d’errance, j’ai peut-être trouvé la communauté que m’a promis la Très Sainte Mère Almalexia. J’ai posé mes valises au Guar Sifflotant dans une petite ville, somme toute charmante, au sud-ouest des Eboulis. La semaine dernière, en observant la salle de service d’un coin sombre, j’ai entendu deux dunmers à l’air étrange parler d’un ordre ancien, une sorte de confrérie dunmer, dissimulée loin dans les volcans des Eboulis. Voulant en savoir davantage, j’ai exploré la région ces derniers jours, mais je n’ai rien trouvé qui ressemble à ce qui m’a été décrit. Par chance, j’ai croisé un messager qui m’a assuré connaître le Gaharikhan de cette confrérie, un certain Ralen Venim. Je lui ai fait transmettre un message et un cadeau de notre Très Sainte Mère Almalexia. Mais l’absence de réponse et l’état de désolation de cette région me laissent penser que le pauvre gaillard a dû se faire détrousser (ou peut-être pire encore) avant d’atteindre la confrérie. Que la Très Sainte Mère Almalexia lui accorde la paix.
Peut-être n’aurais-je plus l’occasion de croiser quelqu’un connaissant l’emplacement exact de la confrérie, voilà pourquoi je lance ce témoignage crypté dans l’immensité de l’inter-trame psijique : si jamais un membre de l’ordre ancien de l’Arador Dayn possède lui aussi la capacité de lire l’inter-trame psijique, il reste peut-être un espoir… J’indique avec fierté et honneur au Gaharikhan de la confrérie qu’au nom de la Très Sainte Mère Almalexia, de l’Infiniment Respectable Vivec et du Maître des Engrenages Sotha Sil, je lui offre allégeance complète et irrévocable, j’engage mon honneur et celui de mon Ordre à servir et protéger la communauté en toutes circonstances.h
Si quelqu’un, un jour, dans quelque trame qu’il soit lit ce message, qu’il ne désespère pas et place sa foi dans le Tribunal, la Bénédiction d’ALMSIVI l’accompagnera !