Dans l’ombre du demi-jour, sous une pluie légère et continue de cendres, emmitouflée dans son manteau de lin, une silhouette droite sur sa monture observe du haut d’une falaise la lave qui coule à ses pieds.
Le paysage qu’offre le Surplomb du cours de magma est presque hypnotique et sous la capuche rabattue, on peut apercevoir une partie d’un visage fin et sombre ainsi que deux yeux d’un rouge profond qui scrutent le liquide en fusion.
Voilà bien une demi-heure que Velyn, dernier fils de la maison Serano tient immobile le cheval blanc quelque peu nerveux d’une poigne de fer et qu’il fixe la lave en dessous perdu dans ses pensées.
Dernier héritier d’une petite maison noble affiliée à la maison Indoril, après plusieurs jours de voyage ennuyeux, il avait curieusement senti le besoin de faire cette introspection sur lui-même. Pourquoi ici et maintenant ? Il ne le savait pas mais peu lui importait, il n’était pas du genre à se poser des questions existentielles. Il mettait tout simplement ça sur le compte de l’ennui et de la fatigue.
Il laissait impassible, remonter en lui son passé, revenir des souvenirs perdus d’une enfance heureuse. Quatrième enfant et troisième fils de la maison, son père était un mage brillant et sa mère une femme effacée complètement dévouée à sa progéniture. Parmi ses ancêtres, on pouvait trouver un Haut Ordonnateur, preuve de la confiance de la famille Indoril envers la sienne. Un age d’or révolu et à sa naissance c’était déjà de l’histoire ancienne qui poussait son père vers ambition dévorante et des aspirations de grandeurs démesurées.
Pourtant, du fait de son rang de naissance sans doute, personne n’avait jamais fondé en lui de grands desseins. Réussir à « se placer » et faire un bon mariage pour apporter à sa maison plus de fortune et d’influence, semblait être là tout ce que la vie exigerait de lui. Ce ne fût pas le cas. La guerre contre les Akavirois devait emporter son père et son frère ainé en qui reposait tous les espoirs de grandeur de la famille. Et finalement, lorsque la guerre pris fin, il n’y avait personne pour revendiquer un quelconque dû ou attester du mérite de la maison Serano. Ce n’était certainement pas son frère Sulen, à peine âgé de deux ans de plus que lui, qui à dix sept ans allait se faire entendre.
La famille vécue donc sur ses réserves et les années passant, son frère aigri par les promesses d’opulence qui leurs avait échappée, précipita le glas de la maison par des investissements et des associations malheureuses. On le retrouva un matin à Longsanglot, égorgé, le corps inerte dans une ruelle. Sa mère ne supporta pas cette nouvelle perte et s’éteint moins de deux mois après son fils. Valyn avait vingt deux ans.
De la famille, il ne restait plus que lui et sa sœur Ferise de six ans son aînée. Pour survivre, ils mirent en vente les derniers biens de la famille. Il fallait bien de toute façon payer les créances. Du pécule restant, il ne conserva pratiquement rien préférant laisser la majeure partie de la somme à sa sœur qui douée pour l’alchimie choisi d’ouvrir une boutique à Longsanglot. Pour sa part, il décida de découvrir le monde et de voyager à travers Morrowind.
C’est la vie d’errance qu’il mena durant les cinq dernières années, c’était un bretteur très moyen mais il avait un don avec la lumière. C’est sa mère qu’il l’avait découvert alors qu’il était enfant, elle l’avait alors poussé dans cette voie. Il avait été un élève studieux et curieux auprès de son précepteur et au cours des années il apprit à la maitriser aussi bien pour châtier que pour prodiguer des soins. Son père et son frère ainé tous deux de talentueux sorciers maitrisant le feu avec aisance s’étaient bien des fois moqués, mais il n’en avait rien à faire. Ces talents l’avaient bien servis jusqu’ici et avaient été appréciés au cours de ces dernières années. Cela aussi faisait parti de lui.
Il soupira, sa monture devenait un peu plus nerveuse. Il resserra sa prise sur les rênes en fronçant les sourcils.
Il y a quelques jours, de passage à Longsanglot, il avait tenté de revoir sa sœur. Il l’aperçut dans son échoppe mais n’alla pas la déranger. Elle avait vieilli. Il découvrit qu’elle s’était mariée, qu’elle avait une nouvelle vie. Il quitta presque aussitôt la ville pour reprendre la route.
Peut être lui fallait il à présent, à lui aussi s’inventer une nouvelle vie ? Etait-ce d’avoir revu brièvement sa sœur et ce qu’elle était devenue qui l’éveillait ? Ou finalement se sentait il le besoin de redorer son nom, d’en faire quelque chose ?
Il secoua la tête, chassa ses pensées. Il sortit d’une poche un petit bout de parchemin qu’il regarda. Dessus un plan succin et un nom ; Arador Dayn. Une confrérie tenant autant de la légende que de la réalité à ce qu’il paraissait. Il en avait déjà entendu parler des années auparavant mais il n’avait réussi à obtenir ce précieux bout de parchemin que tout récemment. Il avait d’ailleurs cher payé l’information. Peut être n’était ce qu’une farce et qu’il ne trouverait là bas qu’un vieille bâtisse abandonnée, sans confrérie et sans vie ? Il sourit.
Dans un murmure à l’oreille de sa monture : «
Aller, allons voir si l’histoire tient de la réalité ! »
Il fit volte face et s’élança…