Quelques pages plus loin... Visiblement, aucun ordre particulier n'est respecté.Citer :
Culte du Secret, cires mémorielles et Intimités
Plus encore que leurs acolytes Telvannii, les Ihrfihn vouent un culte insensé au Secret, à l'Anonymat et au Mystère. Celui-ci a façonné des siècles durant, leur manière de penser, d'agir, voire de se reproduire (cf. chapitre
Consanguinité). Il est à la fois source de leur faiblesse (cf. chapitre précité) et celle de leur plus grande force. En fait, depuis leurs terres natales de Seydãrã
1 en Vvardenfell, on ne leur connaît nulle richesse tangible qui ne soit d'ordre intellectuel. Ce patrimoine amassé au gré d'expérimentations insensées est jalousement gardé, protégé et transmis de génération en génération...
Durant les premiers siècles de l'Ӛre
2, on sait de sources sûres que les membres de ce clan eurent recours aux rites des
cires mémorielles pour réunir, archiver et consulter les savoirs anciens contenus dans les âmes liées de leurs prédécesseurs.
Cette tradition n'est ni l'invention, ni l'apanage des Ihrfihn.
Elle remonte aux derniers siècles de l'Әre. Seuls les clans de sorciers – on ne parlait pas encore de Telvannii – habiles en Arts Funèbres et versés en Nécromancie usaient de ce procédé.
Mes lecteurs les moins instruits, auxquels mes pensées contrites vont fort naturellement, comprendront qu'il s'agit de rituels peu ragoutants exercés sur les cadavres frais de ceux dont la mémoire est précieuse.
Les Ihrfihn donc, avaient coutume – déjà bien ancrée – de soumettre leurs patriarches et matriarches morts, ou mourants, à une lente dissécation de leurs chairs molles, lesquelles étaient soumises à nombre d'enchantements savants. Le procédé présentait le double mérite de hâter les départs capricieux et de constituer un ferment préalable et pratique au scellage des âmes.
Réduits en cierges ou bougies
3 de tailles et de formes diverses, les ancêtres ainsi traités étaient réunis à Sadith Mora jusqu'au ӚII
ème siècle puis à Port Telvanni dans la
Salle des Candélabres de la Tour Ihrfihn.
Il est très probable que cette solution fort pratique prit fin peu après le fâcheux épisode des Trouble-Cendres en Ӛ.253 (cf. chapitre consacré)
4.
1. Litt. Les chemins de cendres. Petite région perdue sur les pans orientaux du Mont Écarlate essentiellement peuplée de Cendrais.
2. L'auteur utilise visiblement les notations du Calendrier Authentique, un temps à la mode parmi les érudits de Vvardenfell ; se référer à l’aparté correspondant.
3. À cette époque, on ne brûlait pas des cierges en mémoire d'un défunt, mais pour accéder à la mémoire d'un défunt.
4. Chapitre absent du présent ouvrage.Citer :
L’abandon de ces rituels raviva le problème épineux de la conservation et de la transmission des mémoires ihrfihnes. Aussi, à cette période, apparurent les premières Intimités.
Les Intimités les plus communes, pour un œil peu exercé, ressemblent à tout recueil d'études telvannii. Il s'agit généralement de grimoires volumineux dont le contenu est crypté et/ou l'accès protégé par des sorts divers. Le plus sagace des archivistes aurait bien du mal, à distinguer une Intimité ihrfihne non signée de n'importe quel autre ouvrage de sorcellerie qui abonde dans les bibliothèques érudites.
Il existe certes des supports moins « académiques » : l'Intimité du sorcier Thervam Ihrfihn1, par exemple, se présente sous la forme d'une délicate boite à musique.
Parfois, le support est moins inhabituel que son contenu ; sur les pages où l'on attendrait de complexes calculs algorithmiques d'Arithmancie dædrique peuvent surgir des recettes de cuisine2, des herbiers3, des poèmes illustrés, des planches érotiques, voire une liste interminable de courses...
Toutefois, les apparences, chez les Ihrfihn, sont souvent trompeuses ; le but premier d'une Intimité est invariablement la transmission d'un savoir, le plus souvent magique4.
Les Ihrfihn, dès leur plus jeune âge, sont tenus de « penser » leur Intimité. Au fil du temps, il apprennent à les structurer, et l'expérience venant, choisissent tant le support que les moyens de la préserver des regards indélicats.
C'est l’œuvre d'une vie entière qui ne saurait être collective ni partagée.
Une Intimité digne de ce nom doit inclure, sous une forme généralement détournée, tout ce qu'un sorcier a vécu, expérimenté, observé... Y sont consignés ses succès mais également ses échecs. La conception d'une Intimité ne s'achève qu'à l'aube d'une mort prévisible, par la pose finale des scellés et la relève des clefs5. Ces dernières reviennent de droit au Révérend ou à la Révérende6,7.
Il est à noter que cette tradition est depuis plusieurs siècles scrupuleusement observée par les Ihrfihn, aussi inconstants soient-ils. Il en va simplement de leur place au sein de la Maison Telvanni et par conséquent de leur survie. Vous constaterez dans cet ouvrage l'importance de ces Intimités dans le savant jeu politique de Port Telvanni : monnaie d'échanges précieuse, elles permirent d'acheter maints soutiens et de noyer nombre d'affaires douteuses...
N'importe quel Ihrfihn, fut-il plus pervers que ses frères, sait que sa liberté et celle de son clan dépend uniquement de la valeur de ses études et de leur commerce, présent ou futur.
1. I-Ӛ.489 Thervam
2. I-Ӛ.1002 Elmira iyfir
3. I-Ӛ.992 bidi’im Redas
4. Il existe également des traités profanes traitant d'économie, de science médicale, de théologie et plus rarement de stratégie militaire. Difficile cependant de déterminer s'il s'agit du véritable sujet de l'étude ou d'une de ces fameuses fausses pistes dont le clan est friand.
5. L'apposition de sceaux magiques sur des ouvrages et l'élaboration de clefs de décryptage est une pratique très commune chez les sorciers, toute race confondue. Les Telvannii -Ihrfihn compris - en font toutefois un usage immodéré.
6. Doyen(ne) du clan.
7. Les Révérend(e)s ne sont que les destinataires traditionnels des dites-clefs ; ils ne disposent pas nécessairement des Intimités, lesquelles se transmettent de parents à enfants.