La pêcheuse de perles et les trois sorciers.
La Côte Opaline s'étend sur les rives déchirées de la Mer des Fantômes ; en face, à l'ouest on distingue Vvardenfell par temps clair. C'est le territoire des moladhmeshīn affiliés depuis toujours à la Belle Maison Telvanni.
Les locaux ne font pas de grands sorciers ; on en rencontre plus souvent dans les équipages des navires marchands qui cabotent autour de la Grande Île que dans les salles d'étude des Tours Champignons. Mais plus que tout, ils s'illustrent dans la pêche des conques géants qui abondent dans leurs eaux.
La nacre et les perles molhadmesh' sont aussi réputées que le talent des pêcheurs qui, sous tous les cieux, bravent la mer pour voler leurs trésors aux fonds abyssaux.
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Jadis, il y a fort longtemps, une jeune pêcheuse de ce clan occulta brièvement l'éclat des perles les plus précieuses ; on évoquait alors ce peuple retiré sans même penser aux richesses conventionnelles exposées sur les étals ou portées aux gorges des femmes. En pays telvanni, on affirmait que les moladhmeshīn abritaient dans le secret de leurs criques la plus belle femme qui fut jamais offerte au regard des mortels.
« Un don de Meridia pour les seuls dunmers », disait-on, « une irréfutable marque d'affection des daedrā pour leurs plus fervents partisans ». Car même chez les sorciers, que l'on sait peu superstitieux, on doutait qu'il put exister pareille perfection de chair et d'âme sans l'intervention d'un seigneur d'Oblivion.
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Le père de cette merveille n'était pas un sot. Il distribua avec parcimonie le privilège de la rencontrer et ceux qu'il invitait à sa table n'étaient jamais de simples pêcheurs ou paysans scellés à leur mer ou à leur terre. Il leur préférait les marchands, les colporteurs et les soldats itinérants, dont la voix porte loin.
Bien sûr, il ne cacha pas son intention – fort légitime pour un père – d'unir sa fille au meilleur parti qui soit. Et sous couvert de prières soupirées, juste bredouillées de peur feinte qu'elles n'inspirent la moquerie, il dressait méthodiquement le portrait du gendre qu'il convoitait : un sorcier de bonne lignée, disposé à compenser sans compter la perte d'une fille tendrement aimée.
Cette entreprise digne d'un Hlaalu rencontra le succès escompté : de relais à auberges, de camps à garnisons, l'informelle invitation fraya son chemin jusqu'aux inexpugnables tours à ombrelles qui parsèment ce beau pays. Et si la plupart des mâles sorciers en âge de convoler se targua publiquement de ne point prêter attention aux ragots de la plèbe, tous parions-le, dans l’intimité de leurs solitudes respectives, spéculaient et fantasmaient longuement sur des bribes saisies ça et là.
N'oublions pas, en effet, que tous les Telvannī qu'ils soient de noble naissance ou de moindre ascendance partagent ce vice qui, plus que tout autre, les caractérise : la curiosité. Celle-ci plus que l'or, la gloire ou le skouma frelaté emporte leur esprit pourtant forgé à la Raison vers des sommets d'audace inégalée.